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Stratégie syndicale : partie 2, le syndicalisme d’Industrie
Un diaporama verbeux sur le syndicalisme d’Industrie
mardi 16 juillet 2024, par
Un groupe de travail au sein de la CNT-Vignoles [1] de Haute-Garonne construit depuis plusieurs années une réflexion stratégique sur le syndicalisme. Le secrétariat formation en livre là un premier brouillon d’un diaporama trop verbeux sur les champs professionnels et le syndicalisme d’Industrie.
Le champ professionnel
Les champs syndicaux
Un syndicat a 2 champs :
- un champ professionnel, par exemple la Construction
- un champ géographique, par exemple la Haute-Garonne
Le champ professionnel ?
Champ professionnel : aire / étendue professionnelle d’un syndicat. Par exemple, le champ professionnel du syndicat CNT Santé-Social 42 est « santé-social ».
Il y a trois principaux types de champs professionnels : le métier, l’entreprise ou l’Industrie. Nous allons les voir successivement.
Les principaux champs professionnels
- métier : activité manuelle ou intellectuelle nécessitant l’acquisition d’un savoir-faire, d’une pratique
- Industrie :
- simplement : branche économique qui répond à un certain besoin
- techniquement : ensemble d’entreprises qui satisfont un macro-besoin (s’alimenter, éduquer, soigner, construire, s’outiller, transporter, etc.)
- entreprise : entité de base de la production capitaliste qui emploie les salarié·e·s
- catégoriel : lycéen·ne·s, étudiant·e·s, cadres, « chômeur·euse·s », retraité·e·s, etc.
On ne s’intéressera pas ici au champ catégoriel. Mais ses limites sont similaires au champ de métier.
Le syndicalisme de métier
Exclut certain·e·s travailleurs·euse·s
- généralement corporatisme de qualifié·e·s
- car forte identité de métier
- forgé par une qualification particulière
- exemple : journalisme
- contre-exemple : le nettoyage à la CNT-SO
- peu qualifié·e·s ont souvent plus de mal à s’organiser
- moins de pré-compétences
- situations moins stables
- moins de temps
- plus fatigué par le boulot
- moins d’argent
- propice à la dépendance de permanent·e·s
Division et corporatisme
- sur un même lieu de travail, plusieurs syndicats d’une même confédération !
- exemple à l’université :
- enseignant·e·s et chercheur·euse·s
- personnels techniques et administratifs
- étudiant·e·s
Corporatisme : consiste à défendre uniquement et exclusivement l’intérêt de telle catégorie, tel métier, etc., de travailleur·euse·s, parfois au détriment d’une autre catégorie de travailleur·euse·s.
Le corporatisme s’oppose à l’inter-professionnalisme, qui consiste au contraire à unir les travailleurs de tous métiers, catégories, entreprises, dans la défense de leur intérêt global de classe.
Le syndicalisme d’entreprise
Définition du syndicalisme d’entreprise
- regroupe les travailleur·euse·s d’une même entreprise
- exemples :
- CGT AirBus
- CGT CHU Toulouse
- CGT Capgemini
- au sein de la CGT :
- nouveauté introduite après la 2e guerre mondiale
- dominant depuis des décennies
Exclut certain·e·s travailleurs·euse·s
- centré sur les salarié·e·s en CDI de grosses boîtes
- exclut les salarié·e·s des TPE et de nombreuses PME
- exclut chômeurs, retraité·e·s, « auto-entrepreneur·e·s »
Division et corporatisme
- replie le syndicat et les salarié·e·s sur leur entreprise
- divise les travailleur·euse·s des entreprises donneuses d’ordre et des entreprises sous-traitantes
- sur un même lieu de travail, les intérimaires ne sont pas syndiqués avec leurs collègues non-intérimaires, mais dans un syndicat de la boite d’intérim
- favorable à la culture inter-classiste d’entreprise
- nivellement par le bas
- des salaires
- des conditions de travail
- saucissonne / divise la lutte entreprise par entreprise
- cul de sac dans une économie concurrentielle
- affaiblit notre capacité d’action
Inadaptation au découpage
Depuis 50 ans, au sein du capitalisme occidental :
- tou·te·s dans la même boite : c’est fini
- sous-traitance, location gérance, « auto-entreprenariat »
Cela conduit à :
- en théorie : plein de syndicats
- en pratique :
- pour la grosse boite : un syndicat pas dégueu
- ailleurs : le plus souvent, néant ou rachitique
- chomeur·euse·s et « auto-entrepreneur·e·s » exclu·e·s
Alors qu’il y a la section syndicale pour être au plus près.
Le syndicalisme d’Industrie
Définition du syndicalisme d’Industrie
- regroupe les travailleur·euse·s d’une Industrie
- Industrie = branche d’activité
- différents métiers et entreprises
- répond à un même type de besoin
Liste des Industries
- Éducation
- besoin : instruction / éducation / apprentissage
- secteurs : cycles primaire-secondaire, supérieur, formation d’appoint / cours particuliers
- des métiers : profs, AESH, pion·ne·s (=AED), agent·e·s d’entretien, formateur/moniteur auto-école, prof-documentaliste
- des entreprises : éducation nationale, acadomia
- Alimentation
- besoin : se nourrir
- secteurs : végétal, animal, conditionnement, transformation
- des métiers : cultivateur, cueilleur, éleveur, abatteur/équarrisseur, berger, ouvrier de transformation, empaquetteur, étalagiste, boucher, boulanger
- des entreprises : Mosanto, Carrefour, Biocoop, Lu, Danone, Sojade
- Hôtellerie-Restauration
- besoin : satisfaire les besoins primaires d’une manière itinérante
- entreprises : Ibis, AirBnB, McDo, PizzaHut
- Transport
- besoin : se déplacer
- secteurs : vélo-trotinette, marin, rail, voiture-moto, aérien-spatial
- des entreprises : Lapierre, Dufour Yatch, SNCF, Air France
- Construction
- besoin : se loger et aménager le territoire
- secteurs : bâtiment, ponts et chaussés, mobilier
- des métiers : architecte, maçon, charpentier, menuisier
- des entreprises : Eiffage, Ikea
- Textile
- besoin principal : se vêtir
- secteurs : production textile, habillement
- des métiers : tisseur, taneur
- des entreprises : Adidas, H&M, Minuit sur Terre
- Santé-Social
- besoin : être en bonne santé
- secteurs : conseil, vente de médicaments, insertion professionnelle, justice
- des métiers : éducateur spécialisé, médecin, diététicien, infirmier, chercheur en biologie, avocat
- des entreprises : AP-HP, Orpéa, France Travail, CAF
- Énergie, mines, chimie, eau
- besoin : avoir les ressources pour les autres Industries
- secteurs : combustibles fossiles, nucléaire, métaux, hydrolique, solaire-éolien, conception de médicaments, biomasse et divers
- des entreprises : Total, EDF, ENGIE, Enercoop, Pfizer, Sanofi
- Métallurgie
- besoin : s’outiller
- entreprises : ArcelorMittal, Renaud, AirBus, Samsung, Nvidia
- Culture et Loisir
- besoin : se divertir
- secteurs : tourisme culturel, livre, presse, jeu vidéo, patrimoine, cinéma
- des métiers : archéologues, archivistes, intermittents du spectacle, ludothécaire, bibliothécaire, réalisateur, projectionniste, traducteur, journaliste
- des entreprises : FIFA, Disney, Pathé, FNAC, Fayard, Netflix, Nintendo
- Finance
- besoin : planifier
- secteurs : gestion courante de la thune, investissement, assurance-mutuelle
- métiers : banquier, assureur
- des entreprises : banque centrale, Banque postale, PayPal, Mutuelle Familiale
Attention : Ce n’est pas la liste. C’est une liste possible et faite d’une manière abstraite.
Remarque sur les Industries
- Les champs d’Industrie ne sont pas gravés dans le marbre.
- C’est en général en partie fait par l’histoire nationale.
- La question de l’appartenance d’Industrie peut se poser au niveau de la boite.
- exemples :
- La Poste, avec PTT et Finance
- une entreprise de nettoyage peut être sur plusieurs Industries
- exemples :
Éviter la division corporatiste
Avec le syndicalisme d’entreprise, il y a division des travailleurs·euses d’une même branche :
- sur une même zone d’emploi
- entre entreprise donneuse d’ordre et sous-traitante
- entre CDI et intérim
- pas celleux qui savent pas traverser la rue
Avec le syndicalisme de métier :
- division au sein même des boites
- peu favorable aux peu qualifié·e·s
À contrario, le syndicalisme d’Industrie inclut tout le monde et contribue à :
- dépasser les égoïsmes étroits de métier et d’entreprises
- développer la conscience de classe
- on a des intérêts communs
Intérêt revendicatif
- concurrence conduit au nivellement par le bas
- l’échelle d’Industrie va contre la concurrence intra-zone (= boite contre boite de la même zone règlementaire, souvent l’État-nation)
- a permis les conventions collectives de branche
- ne résoud pas en soi le problème international
- nécessite une internationale qui tient la route
- difficulté à se mobiliser dans les petites boites
- avoir des accords qui protège toute la branche
- facilite la solidarité extérieure
- en crise, nécessaire pour casser le chacun pour sa pomme et donc mutualiser à l’échelle de l’Industrie
- plan d’aide nationale, reconversion, tapage dans la trésorerie des donneurs d’ordre en faveur des sous-traitants, etc.
Intérêt pour la syndicalisation
- tout le monde
- y compris peu qualifié·e·s
- y compris sans emploi
- y compris « auto-entrepreneur·euse·s »
- grosses et petites boites
- capacité à être volontariste là où on n’est pas encore
- rassurant d’être nombreux/nombreuses
Intérêt révolutionnaire
Le contrôle syndical de l’écononomie :
- requiert préparation et capacité de gestion
- nécessite vision globale
L’Industrie offre ça et permet :
- supervision et coordination
- identification des manques
- mutualisation
- reconversion
Du contrôle ouvrier à la gestion communiste
Le syndicalisme d’Industrie permet la reprise en main pour leur propre compte de l’économie par les prolétaires, sans couche bureaucratique pour remplacer les bourgeois et leurs cadres et sans mécanisme « automatique » comme le Marché.
Mais on ne se met pas à tout gérer du jour au lendemain. Autant pour améliorer notre situation de suite que pour préparer la révolution, on doit grappiller du pouvoir aux capitalistes dans le capitalisme. Exemples : droit syndical, définir les grilles de salaire par les conventions collectives, gestion de la Sécurité Sociale, monopole syndical d’embauche, réquisition comme LIP (usine de montres en France, dans les années 1970), la FSGT pour le sport, etc.
L’organisation à grande échelle
Section syndicale et chambre syndicale
Le global, oui, mais les détails ?
« Le syndicalisme d’Industrie, ok, ça a ses avantages. Mais tout de même, le métier et l’entreprise sont des aspects pertinents aussi ! »
Pas de panique, le syndicalisme d’Industrie a réponse à tout !
Pour l’entreprise : la section syndicale
- regroupe les syndiqué·e·s au niveau de l’entreprise
- donne des droits si elle est déclarée
- est distinct des instances de représentation du personnel
- le CSE est l’instance de ce type la plus connue
- élection faite avec des potentiels jaunes
- inamovible jusqu’aux prochaines élections
- on ne choisit pas l’agenda des élections
- permet aux syndiqué·e·s de s’organiser collectivement
- on le fait avec nos propres règles
- direct et responsabilisant
Organisation structurelle des sections syndicales
Pour le métier : la chambre syndicale
- regroupe les travailleur·euse·s d’un même métier
- exemple : chambre des tailleurs de pierre de la CNT SUB-RP
- interne à notre organisation syndicale
- au syndicat si très lié à l’Industrie
- ça peut être à l’UD (Union Départementale) si fortement partagé par des Industries
- nettoyage, informatique, etc.
- permet de faire émerger et défendre des revendications spécifiques au métier
- permet d’échanger sur les évolutions technologiques et professionnelles de son métier
- « filiale » d’un syndicat d’Industrie ou d’une UD (Union Départementale)
- pas la base du regroupement
- autonomie relative / limitée
Organisation structurelle des chambres syndicales
Note : Un syndicat peut avoir une aire géographique de n’importe quelle taille, donc moins grande ou plus grande qu’un département et sans forcément suivre un découpage étatique. On ne fait là que reproduire l’aire géographique conventionnelle à la CNT. De la même manière, on propose de rattacher à l’UD les métiers fortement partagés sur plusieurs Industries, mais on peut envisager de plutôt le faire au niveau de l’UL (Union Locale).
Synthèse
- syndicalisme de métier
- corporatisme
- syndicalisation limitée
- capacité et périmètre revendicatif restreint
- incapacité révolutionnaire
- syndicalisme d’entreprise
- corporatisme
- syndicalisation limitée
- capacité et périmètre revendicatif restreint
- incapacité révolutionnaire
- syndicalisme d’Industrie
- inter-professionnel
- ouvert à tous les travailleurs·euses
- capacité et périmètre revendicatif élargie
- capacité révolutionnaire
Annexes
Idées de lecture en lien avec le sujet
- Comités Syndicalistes Révolutionnaires, page web sur le syndicalisme d’industrie
- Comités Syndicalistes Révolutionnaires, fiche de formation 2 « Syndicalisme d’industrie »
- James Kennedy, « L’organisation des I.W.W. », 1921
- Comités Syndicalistes Révolutionnaires, « ICTAM : organiser oui, mais spécifiquement non ! », page web
- Comités Syndicalistes Révolutionnaires, « Stratégie des CSR », page web
- Comités Syndicalistes Révolutionnaires, La grève générale, tome 1, Stratégie de la grève générale, 2015
- Comités Syndicalistes Révolutionnaires, « Le projet de société syndicaliste révolutionnaire », page web, juin 2019
- Larry Portis, IWW : Le syndicalisme révolutionnaire aux États-Unis, Spartacus, 1985 puis 2003
- Comités Syndicalistes Révolutionnaires, La mort du syndicalisme étudiant – 1995, dernière lutte offensive de la jeunesse, 2022
Le cycle de formation complet
- introduction + action dans les luttes quotidiennes
- le syndicalisme d’Industrie
- culture et sociabilité
- double besogne, grève générale et socialisme
- autonomie de classe et indépendance syndicale
La présente partie, la seconde, et toutes les autres auront droit à une version au format brochure. Ce sera plus complet que le présent diaporama trop verbeux.
La Charte d’Amiens (1906)
Le Congrès confédéral d’Amiens confirme l’article 2 constitutif de la CGT.
La CGT groupe, en dehors de toute école politique, tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat.
Le Congrès considère que cette déclaration est une reconnaissance de la lutte de classe, qui oppose sur le terrain économique, les travailleurs en révolte contre toutes les formes d’exploitation et d’oppression, tant matérielles que morales, mises en œuvre par la classe capitaliste contre la classe ouvrière.
Le Congrès précise par les points suivants, cette affirmation théorique.
Dans l’œuvre revendicative quotidienne, le syndicat poursuit la coordination des efforts ouvriers, l’accroissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d’améliorations immédiates, telles que la diminution des heures de travail, l’augmentation des salaires, etc. Mais cette besogne n’est qu’un côté de l’œuvre du syndicalisme : il prépare l’émancipation intégrale qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste ; il préconise comme moyen d’action la grève générale et il considère que le syndicat, aujourd’hui groupement de résistance, sera, dans l’avenir, le groupement de production et de répartition, base de réorganisation sociale.
Le Congrès déclare que cette double besogne, quotidienne et d’avenir, découle de la situation de salariés qui pèse sur la classe ouvrière et qui fait à tous les travailleurs, quelles que soient leurs opinions ou leurs tendances politiques ou philosophiques, un devoir d’appartenir au groupement essentiel qu’est le syndicat.
Comme conséquence, en ce qui concerne les individus, le Congrès affirme l’entière liberté pour le syndiqué de participer, en dehors du groupement corporatif, à telles formes de lutte correspondant à sa conception philosophique ou politique, se bornant à lui demander, en réciprocité, de ne pas introduire dans le syndicat les opinions qu’il professe au dehors.
En ce qui concerne les organisations, le Congrès déclare qu’afin que le syndicalisme atteigne son maximum d’effet, l’action économique doit s’exercer directement contre le patronat, les organisations confédérées n’ayant pas, en tant que groupements syndicaux, à se préoccuper des partis et des sectes qui, en dehors et à côté, peuvent poursuivre, en toute liberté, la transformation sociale.
Le texte de cette formation, sa structuration et son code (LaTeX pour le diaporama, HTML pour le Web), tout ça est mis dans le domaine public via la licence Creative Commons 0 version 1.0. N’hésitez donc pas à diffuser ce travail et vous le réapproprier.
[1] Il existe aussi les CNT-AIT (c’est celle « réseau » qui est à Toulouse) et la CNT-SO (solidarité ouvrière). La rue des Vignoles est là où il y a le local historique à Paris.