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Déclaration de Benjamin
vendredi 29 septembre 2006
Procès Refus Prélèvement ADN
Le 25 août 2006 à Alès
Déclaration de Benjamin Deceuninck devant le tribunal d’Alès A l’occasion de sa comparution lors du procès de refus de prélèvement ADN le 25 août 2006
En septembre 2001, nous avions arraché avec 70 autres personnes un champ de betteraves transgéniques dans le cadre d’un collectif informel (regroupant la CNT, la confédération paysanne, AC... et des individus autonomes).
Quatre ans après les faits, nous étions 11 à être poursuivis pour dégradation de bien privé aggravé en réunion nous exposant sur le papier à 5 ans de prison ferme et 75 000 € d’amendes. La société Advanta, propriétaire de l’essai, réclamait 250 000 € de dommages et intérêts.
Grâce à une forte mobilisation, les condamnations ne furent que d’un à deux mois avec sursis et 5000 € d’amendes et de dommages et intérêts.
Cette condamnation en demi-teinte du point sur les bases d’une mise en examen basée sur le « crime organisé » démontrait le paradoxe d’une justice ne pouvant que constater l’imposition des OGM à une société majoritairement contre et d’autre part la nécessité de condamner pour ne pas atteindre les fondements de la propriété privée.
Personnes ne releva appel. L’Etat déjà embarrassé par notre cas ne souhaitait pas faire plus de vague, la société Advanta, bien que perdante, cherchant à éviter plus de mauvaise publicité, et enfin nous même fatigués de 4 années de procédures... et pour ma part plus confiant dans l’action du peuple que dans une justice prise entre des nécessités politiques et l’expression des rapports sociaux du moment.
Jugés, condamnés, nous pensions être tranquilles presque 5 ans après les faits.
Pourtant, fin juin 2006, 6 parmi les 11 condamnés furent convoqués de nouveaux par la gendarmerie pour y être prélevés génétiquement ! De nouveau, je constatais le caractère purement arbitraire du choix des individus à comparaître devant la justice.
Convoqué à 10h, je me rendais devant la gendarmerie de Saint Martin de Valguage accompagné d’un comité de soutien composé d’organisations et d’autonomes conscients de la dérive totalitariste d’un tel prélèvement.
A 10h30, j’exprimais mon refus de me soumettre à un tel fichage. Malgré la protestation des gendarmes présents arguant qu’il ne mettait pas possible de refuser, je maintenais mon refus expliquant que malgré les conséquences (15 000 € d’amendes, un an ferme et la suspension des sursis précédents) tout individu a toujours le choix de ses actes au travers de l’histoire. Nous y reviendrons.
Toujours dans le caractère particulier de ce procès, je tiens à signaler les difficultés liées à la procédure visant à placer le prévenu dans l’impossibilité d’organiser sa défense puisque c’est dans les locaux de la gendarmerie que l’on me notifiait la date du procès le 25 août à Alès. Soit à peine deux mois pour trouver un avocat, trouver et convoquer des témoins et informer la population des mesures prises à mon encontre. Peut-être a-t-on cherché à éviter toute mobilisation ? A ne pas rendre publique des mesures dignes d’un autre temps ? Malheureusement, comme nous pouvons le voir à l’extérieur du tribunal, l’effet « vacances » recherché n’a pas porté ses fruits.
Je tiens ici à remercier les centaines de personnes venues dire leur désapprobation de telle mesure de répressives. Je vous demande de prendre en compte les centaines de témoignages de solidarité reçus depuis le 23 juin dernier et de considérer les quelques 4300 personnes qui ont apporté leur soutien par la pétition que nous venons de vous remettre. Enfin, je vous prie d’entendre le témoignage de ses deux personnes qui ont désobéi avant moi à une époque particulièrement difficile, ces deux résistantes choquées du sort réservé aux militants.
Sur ce qui m’est reproché :
« refus, par personne condamnée pour délit, de se soumettre au prélèvement biologique destiné à l’identification de son empreinte génétique »
Fait pour lequel je risque un an de prison et 15 000 € d’amendes.
Je tiens à relever plusieurs éléments constituant des motifs légitimes de se soustraire à un tel fichage.
En premier lieu, je rappelle que nous aurions pu être poursuivis pour « délit syndical » ou simple dégradation lors du premier procès mais que des choix politiques nous dépassant ont jugé bon de nous poursuivre pour destruction de bien privé en réunion... les temps changent.
Ce même choix politique avait jugé bon également de ne poursuivre que 11 personnes parmi l’ensemble des personnes ayant participé à l’action.
Ce même choix politique qui a jugé bon de ne convoquer que 6 personnes parmi les 11 condamnées en septembre 2005.
Ce même choix politique qui est le propre d’une démocratie en crise où finalement c’est celui qui possède le pouvoir qui est libre de déterminer qui correspond aux normes et qui est déviant.
En donnant la capacité à un simple officier de police judiciaire (OPJ) d’ordonner un prélèvement génétique sur une personne ayant commis un délit ou sur simple présomption de délit, le fichage est étendu à la totalité de la population.
En conférant le pouvoir aux enquêteurs le pouvoir de réaliser des prélèvements biologiques sur toute personne concernée par une procédure et de conserver les empruntes, le législateur à bafouer le principe de présomption d’innocence.
Rappelons que cette loi a été votée malgré les plus grandes réserves de la CNIL. Que seul le bon vouloir du procureur peut mettre fin à la conservation des données et qu’il reste libre de refuser la suppression au fichier y compris en cas de relaxe.
Le fichage génétique concerne 137 infractions c’est à dire quasiment tout à l’exception des délits d’abus de confiance, abus d’autorité publique, banqueroute ou favoritisme.
Alors que les empreintes génétiques des auteurs d’abus de biens sociaux, corruption, ou trafic d’influence sont intouchables, celles des militants anti-pub peuvent être conservées quarante ans à la FNAEG.
(Source : indesens.org)
Sous prétexte de mesures sécuritaires, le pouvoir s’est doté d’outils performants lui permettant à terme d’éliminer toute contradiction.
En invoquant la lutte contre le terrorisme et la criminalité, les politiques sont rentrés dans une spirale totalitaire en créant des outils à la hauteur de leur projet :
Le FNAEG vient s’ajouter
au Fichier automatisé des empreintes digitales (FAED),
au Fichier des personnes recherchées (FPR),
au Fichier national des auteurs d’infraction à la législation des stupéfiants (FNAILS),
au Système de traitement des infractions constatées (STIC)
Ces véritables « fichiers de population » selon la formule du Syndicat de la magistrature recèlent 25 % d’erreurs, 400 000 personnes sont autorisées à les consulter dans le cadre d’enquêtes de moralité et missions de police administrative ou judiciaire. (Source : indesens.org)
Et encore récemment comme si ça ne suffisait pas récemment l’annonce par Nicolas S. d’un fichier regroupant les sans papiers et les personnes les fréquentant.
Tous ces dispositifs ont bel et bien pour un caractère totalitaire.
Penser qu’une société capable de gérer tout individu à tout moment de sa vie est une société sans crime est absurde.
Malheureusement chez nos voisins où les prélèvements ADN, la video surveillance, sans oublier les passeports biométriques sont les mesures phares de la politiques sociales, les crimes non pas cessés, pas plus que la petite délinquance.
Il est illusoire de penser résoudre des problèmes sociaux par des mesures répressives.
L’opacité de tels fichiers et de leur utilisation nécessite de s’interroger sur la définition des catégories de personnes déviantes.
Pour mémoire, à la Rafle du Vél’d’hiv’ :
3031 hommes, 5802 femmes et 4051 enfants avaient été arrêtés à Paris les 16 et 17 juillet. Au total : 12.884 Juifs étrangers.
Il y avait eu une certaine déception chez les nazis et les policiers français : le chiffre de 15.000 Juifs était "espéré".
Combien en serait-il resté avec les mêmes moyens aujourd’hui ?
Plaidoirie de Me JJ GANDINI pour le procès du 25 août
refus de prélèvement ADN de Benjamin Deceuninck 2006
Rappel :
Faits prévus par les articles 706.56 II al 1, 706.54 al 1, 706.55 et R 53.21 du Code de Procédure Pénale
Et réprimés par l’article 706.56 III al 1 al 3 du Code de Procédure Panale
LE FAIT GENERATEUR
Le Tribunal Correctionnel de Lille, le 3 novembre 2005, en compagnie de dix autres prévenus a condamné Benjamin DECEUNINCK à la peine de 1 mois sursis pour « dégradation grave du bien d’autrui commise en réunion », en l’espèce avoir à AVELIN (59), le 15 septembre 2001, volontairement dégradé des parcelles agricoles au préjudice de la société Adventa France.
Le Tribunal a en effet écarté le fait justificatif de l’ « état de nécessité », estimant le délit constitué.
Il a toutefois précisé pour motiver le quantum de la peine :
« Il faut relever qu’aucun des prévenus n’a jamais été condamné. Tous sont des citoyens insérés socialement et professionnellement. Il ne faut pas écarter non plus qu’ils ont soutenu agir dans la défense de ce qu’ils croyaient être l’intérêt général et non la poursuite d’un but individuel et vindicatif.
Le caractère militant de la destruction doit être pris en compte pour apprécier la répression.
Enfin le caractère symbolique de l’action et le fait que les prévenus font partie d’un groupe dont la majorité des personnes, ayant agi avec eux, n’ont pas été appréhendés par les forces de l’ordre présentes sur les lieux, relativise également la fermeté de la sanction pénale. »
HISTORIQUE DU FNAEG
C’est le député RPR Alain MARSAUD, ancien chef du service central de lutte anti-terroriste du Parquet de Paris, qui est à l’origine de la loi relative à la constitution d’un fichier fénéral des empreintes génétiques destiné à l’identification des auteurs de crimes et délits sexuels commis sur des mineurs de 15 ans.
La loi, prévue pour 1999, est reportée en 2001 et finalement votée le 15 novembre 2001 : c’est la LSQ, Loi sur la Sécurité Quotidienne du gouvernement JOSPIN.
Entre-temps ont eu lieu les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis : la loi étend son champ d’application aux crimes graves aux personnes (crimes contre l’humanité, tortures, homicides volontaires, proxénétisme...).
Et la LSI, Loi sur la Sécurité Intérieure de Nicolas SARKOSY va l’étendre à la quasi-totalité des crimes et délits d’atteintes aux personnes et aux biens (vols, extorsions ; dégradations, détériorations...) et prévoit la conservation des empreintes génétiques, non seulement des condamnés mais également des suspects.
LE CADRE DE LA PREVENTION
Tout OPJ PEUT procéder ou faire procéder sous son contrôle au dit prélèvement génétique à l’égard des personnes visées supra.
Le fait de refuser de se soumettre à ce prélèvement est puni, s’agissant d’une personne condamnée pour délit, à 1 an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.
La peine SE CUMULE avec la peine prononcée pour délit, sans possibilité de confusion ; et l’infraction, lorsqu’elle est commise par une personne condamnée, entraîne DE PLEIN DROIT le retrait de toutes les réductions de peine antérieures et interdit l’octroi de nouvelles réductions.
Enfin l’empreinte est conservée dans le fichier pendant 40 ANS !
Si ce n’est pas là une loi d’exception...
LES CONDITIONS DE LA RELAXE
1.Le principe de non rétroactivité de la loi
Les faits poursuivis initialement remontent au 15 septembre 2001 alors que pour ce type de délit la FNAEG ne date que du 18 mars 2003.
Benjamin DECEUNINCK, lorsqu’il a participé au fauchage de plants OGM savait qu’il risquait une peine de prison et d’amende.
Il ne savait pas qu’il risquait une peine de prison et d’amende COMPLEMENTAIRE pour refus de prélèvement génétique.
Certes, il ne s’agit pas de la même loi mais il ne s’agit pas non plus d’une autre loi : c’est une loi COMPLEMENTAIRE qui est d’ailleurs inscrite non dans le Code Pénal mais dans le Code de Procédure Pénale.
On peut estimer en conséquence qu’elle a rendu plus sévère la peine globale qui sera prononcée puisqu’il y a cumul sans possibilité de confusion et qu’en conséquence ce que risque un faucheur de plants OGM qui refuse le prélèvement génétique, c’est 5 ans de prison et 75 000 € (modifier) d’amende + 1 an de prison et 15 000 € d’mende.
Cette analyse permet ainsi d’entrer dans le champ d’pplication des articles 112..2 3° toutefois... du Code Pénal
8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen
7 de le Convention Européenne des Droits de l’Homme
Benjamin DECEUNINCK est donc en voie de RELAXE
2.L’état de nécessité : Il est des moments où il faut savoir dire NON
Deuxième fondement de relaxe sur la base de l’article 122.7 du Code Pénal
Selon une jurisprudence déjà ancienne (CA Colmar 06.12.1957 D 1958 p.357), ce qui le caractérise « c’est la situation dans laquelle se trouve une personne qui, pour sauvegarder un intérêt supérieur, n’a d’autre ressource que d’accomplir un acte défendu par la loi pénale. »
C’est ce qu’a jugé, dans un cas d’espèce semblable au délit initial commis par le prévenu, le Tribunal Correctionnel de VERSAILLES dans un jugement du 12 janvier 2006, certes frappé d’appel mais qui conserve pour l’instant toute sa valeur.
Il s’agissait de 7 personnes poursuivis aussi pour destruction de plants OGM à GUYANCOURT (78) le 22 juillet 2003.
Par combinaison des articles 2 et 8 de la C.E.D.H. :
Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi ;
Toute personne a droit au respect de sa vie privée
Et de la Charte de l’Environnement :
L’environnement est le patrimoine commun des êtres humain, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures... à satisfaire leurs propres besoins.
Le Tribunal a estimé qu’ « au vu de l’ensemble de ces éléments, en l’état des connaissances et techniques telles que débattues à l’audience, la diffusion des gênes modifiés présente, au sens juridique du terme, un danger actuel et certain à l’égard des agriculteurs et des consommateurs...
Les prévenus ont poursuivi la seule cessation du danger immédiat et actuel auquel ils soutenaient faire face.
Ainsi l’exigence de la proportionnalité entre les moyens mis en œuvre et la gravité de la menace en cause et établie. »
En conséquence « les conditions de l’état de nécessité sont réunies et il y a lieu d’entrer en voie de relaxe. »
Pourquoi ce refus de prélèvement ?
Rappelons d’abord l’article 16.1 du Code Civil :
« Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. »
En effet, l’état de nécessité n’est pas limité à la défense d’intérêts matériels fussent-ils vitaux : il doit être étendu à la protection des intérêts moraux supérieurs, à savoir la sauvegarde de soi-même, l’intégrité de sa personne.
Le prélèvement génétique est une atteinte à la dignité et l’intégrité physique ; personne ne peut-être contraint à une intervention, sans fondement médical sur son propre corps.
C’est une atteinte à la liberté individuelle car si on consent, on collabore : en acceptant ainsi son propre fichage, on devient son propre bourreau.
En refusant le prélèvement, on accomplit « un acte nécessaire à la sauvegarde de sa personne » car l’acte autorisé par la loi n’est justifié que s’il reste dans les limites d’une « juste nécessité ».
Et le Tribunal se rappellera qu’au terme de l’article 6 de la C.E.D.H. :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal impartial qui décidera du BIEN FONDE de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. ».
Où est ici la « juste nécessité » ?
En étendant le fichage à la quasi-totalité des crimes et délits d’atteintes aux personnes et aux biens (mais en le maintenant hors du champ de la délinquance économique et financière...), nous nous dirigeons vers un fichage généralisé contraire à un régime démocratique respectueux de la liberté de tous les individus qui le composent.
C’est l’ère du soupçon, et ce pour la vie entière puisque les empreintes sont conservées pendant 40 ans !
C’est une véritable DOUBLE PEINE et en même temps une TUNIQUE DE NESSUS
La liberté doit primer sur la sécurité car nous sommes dans le domaine des libertés fondamentales.
Benjamin DECEUNINCK est un militant syndical qui a agi en défendant l’intérêt général, c’est une société DEMO-AUTOCRATIQUE qui se profile à l’horizon...
Il est des moments où il faut savoir dire NON.
Car avec l’ETAT-ADN, c’est toute critique et tout dissentiment qui vont devenir impossible.
Les conditions de l’Etat de nécessité étant réunies, Benjamin DECEUNINCK est en voie de relaxe.