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CGT-e info n° 9
lundi 31 juillet 2006
CGT-e info n° 9
(Fin de rédaction 30 juillet 2006)
– 1) Situation générale
– 2) Luttes en cours
– 3) Récupération de la mémoire historique
1) Situation générale
Rebelion. 28-07.06 « La polarisation sociale croissante », Vicenç Navarro, « El País »
Le débat sur le territoire, en cours en ce moment en Espagne, à la suite de l’approbation par plusieurs communautés autonomes de leur statut, en occulte un autre qui devrait s’ouvrir dans notre pays sur la polarisation sociale croissante, à peine visible sur le plan médiatique et politique. Ces dernières années nous voyons une grande augmentation des revenus du capital et une stagnation, voire un déclin, des revenus issus du travail. D’après une étude récente de du professeur d’économie Juan Torres, le bénéfice net des compagnies espagnoles non financières a augmenté en 2005 de la bagatelle de 26,2 %, et celui de celles cotées en Bourse - et inclus dans l’Ibex 35 - a connu un bon de 44 %. Parmi ces dernières, les entreprises énergétiques Endesa, Iberdrola, Unión Fenosa et Hidrocantábrico sont celles qui ont eu la plus forte hausse. Un autre secteur d’entreprises ayant des bénéfices exorbitants est celui de la banque. Selon la Asociación Española de la Banca, les gains ont augmenté en moyenne de 58,82 % par rapport à 2004, bénéfice semblable à ceux obtenus par les cinq entreprises du bâtiment les plus importantes du pays. La liste des entreprises ayant des bénéfices extraordinaires est énorme. Antena 3 a eu 100 % ; Iberia, 96 % ; le groupe Santander, 72,5 % ; Telefónica, 40 % ; BBVA, 30 % ; Repsol, 29,2 %, et une longue liste suit. Par conséquent, les revenus du capital représentent 10 milliards d’euros. Rien que les compagnies énergétiques précédemment citées ont empoché 5,582 milliards d’euros de plus en 2005 ; dans le BTP, 2,183 milliards d’euros de plus ; les entreprises cotées dans l’Ibex 35, 37,5 milliards et la liste serait interminable. Cette croissance des bénéfices des entreprises fait que le nombre de personnes gagnant plus d’un million d’euros par an ait augmenté en Espagne, aujourd’hui l’un des 10 premiers pays au monde sur le plan des millionnaires. Il en va de même pour les multimillionnaires, c’est-à-dire des gens qui gagnent plus de 24 millions d’euros par an. D’après un rapport sur la richesse mondiale, préparé par la banque d’investissement Merrill Lynch et l’entreprise de consultation Cap Gemini, il y a un Espagne 1.500 espagnols qui gagne plus de 24 millions d’euros par an, encore que selon l’agence des impôts espagnols, seuls 65 citoyens déclarent de telles sommes. D’après la même source, la fraude fiscale représente 10 % du PIB et elle est concentrée dans les groupes les plus riches de la population. L’expression populaire selon laquelle “ les riches ne payent pas d’impôt ” correspond la réalité. Outre cette fraude, il existe une grande quantité de dégrèvements fiscaux qui favorise en priorité les revenus supérieurs et qui équivalent aux aides publiques puisque les personnes ne jouissant pas de tels privilèges fiscaux voient comment leurs impôts augmentent pour couvrir le vide fiscal créé par ces dégrèvements. Cette spectaculaire croissance des revenus du capital et des revenus supérieurs contraste avec la hausse relative des revenus du travail. Le salaire moyen en 2005 avait le même pouvoir d’achat qu’en 1997 et il n’avait augmenté que de 0,4 % en 10 ans. L’Espagne est également un des pays de l’Europe des 15 avec le taux le plus élevé de pauvreté (18 % de la population). Un des facteurs qui a le plus contribué à cette polarisation des revenus en Espagne repose sur les réformes fiscales réalisées dans les années 90 par le gouvernement conservateur du parti populaire avec l’appui de la droite catalane, CiU [Convergéncia i Uniò], réformes qui ont énormément bénéficié aux revenus les plus élevés du pays. D’après une étude du professeur d’analyse économique Zenón Jiménez Ridruejo (rédigé avec le professeur Julio López Díaz), la conséquence de ces réformes a entraîné une augmentation notable des revenus du décile supérieur de contribuables, qui touchait 30,59 % des revenus en 1996 et 34,52 % en 2002, alors que les six déciles inférieurs (c’est-à-dire 60 % des contribuables) ont subi une diminution de leurs revenus. La dernière catégorie de contribuables (c’est-à-dire les plus pauvres) qui touchait 1,58 % des revenus en 1996 est passée à 0,57 % en 2002. Étant donné que la Catalogne a le pourcentage le plus élevé d’Espagne de personnes dans la tranche supérieure, la droite catalane qui a appuyé cette réforme fiscale, l’a présentée comme bénéfique pour la Catalogne, en passant sous silence cependant que 60 % des contribuables catalans (appartenant aux classes moyennes et populaires) ont subi une nette diminution des revenus. Cette situation préoccupante explique la protestation sociale en augmentation au début de cette décennie, d’où une demande - explicite dans le programme électoral du gouvernement socialiste - pour modifier la réforme fiscale en grevant le revenu du capital aussi fortement que ceux du travail, promesse non respectée dans la réforme fiscale proposée par l’équipe économique du gouvernement socialiste et approuvée par le Parlement avec le soutien de la droite catalane, CiU, qui favorisent à nouveau le revenu du capital. Il serait souhaitable que le gouvernement espagnol change d’alliés pour sa politique fiscale, en réaffirmant son engagement électoral de faire converger les dépenses publiques sociales par habitant avec les pays de l’Europe des 15. Le déficit social en école, en formation professionnelle, sécurité du travail (qui permettrait une plus grande flexibilité) et en programme de cohésion sociale est ce qui explique le manque d’efficacité et de compétitivité espagnoles. L’expérience de pays à tradition sociale-démocrate visible comme la Suède montre que l’efficacité économique d’une nation ne dépend pas seulement de l’investissement dans la recherche et le développement, mais également de la sécurité, de la qualité de vie et de la cohésion sociale du pays.
Vicenç Navarro est professeur de “Políticas Públicas” de l’université Pompeu Fabra de Barcelone, son portail : www.vnavarro.org
Ces considérations de gauche bourgeoise montrent la continuité entre la droite et la gauche au pouvoir pour suivre la voie néo libérale.
2) Luttes en cours
A) lutte de la CGT
Rojo y Negro de juillet-août revient sur « brisons le silence » ( - campagne d’une foule de collectifs madrilènes pour dénoncer à partir de onze axes depuis « éducation et anticléricalisme, culture libre, antimilitarisme et contrôle social, genre, féminisme et anti patriarcat, le monde explose-exploite [même verbe en castillan] globalisation et résistance, urbanisme et logement, migrations, squat, antifascisme et mémoire historique, Repsol tue, mineurs, répression et exclusion sociale, voir ce bulletin n° 8) avec une photo en première page qui résume à la fois l’impact et l’Espagne actuelle : une banderole accrochée sur un long balcon « ici on spécule comme à Marbella ». Marbella, banlieue chic de Malaga, où des juges ont découverts une trame touffue d’entreprises du Btp et tous les élus gauche droite de la mairie unis depuis des années dans la spéculation immobilière millionnaire. Le dernier rebondissement étant la semaine dernière l’arrestation du maire en fuite, amant de la chanteuse Isabel Pantoja, qui en pleure sur scène !!
L’éditorial de Rojo y Negro signale Qui aurait cru que l’arrivée de l’été allait supposer un répit mérité dans les luttes que nous menons toute l’année s’est grossièrement trompé. Pour ce mois, nous constatons, par exemple, que les camarades de Cedasa [entreprise de pièces pour automobiles] continuent leurs mobilisations pour la défense des postes de travail. Nous avons eu également la réunion [pertubée par les syndicalistes] des actionnaires de Telefónica et de BSCH [groupe bancaire Santander], sans compter la grèves des intérimaires de l’INE [Institut national de statistiques], les travailleurs de l’entretien des rues et des routes de Barcelone et de Sabadell (puis de toute la Catalogne), le conflit à ONO [entreprise de télécom]. Il y a eu aussi des nouvelles positives, avec les nouvelles décisions de nullité [des sanctions] pour les licenciés de SEAT.
Et revenant sur la campagne « rompons le silence » : « il n’y a aucun doute pour nous qu’il faut continuer sur cette voie. Nous ne pouvons aucunement négliger l’activité syndicale quotidienne, mais, en même temps, nous devons aller plus loin. Les revendications professionnelles sont nécessaires, mais nous ne voulons pas seulement qu’ « on nous donne » le nécessaire. Nous sommes des révolutionnaires : nous n’aimons pas cette société et nous voulons la changer. Nous portons un monde nouveau dans nos cœurs. »
Comme d’habitude le mensuel contient deux suppléments, un sur la mémoire historique qui est analysé dans la partie sur ce sujet, l’autre sur la « campagne mondiale contre Coca-Cola » initiée en juillet 2003 et adoptée par la CGT à son congrès de juillet 2005. On peut constater une carence dramatique sur ce point au congrès de la CNT de juin 2006 (bien qu’un dirigeant syndicaliste menacé de mort ait participé à la fête du Combat syndicaliste en 2005). Il s’agit autant de combattre la multinationale que de dénoncer que « Depuis la première colonisation jusqu’à aujourd’hui les stratégies d’exploitation et de spoliation ont pu changés de forme et de responsables, les objectifs impérialistes du capitalisme demeurent intactes et leurs conséquences deviennent de plus en plus graves. » 70 % des Colombiens vivent sous le seuil de la pauvreté, 4.000 dirigeants syndicaux du SINALTRAINAL (syndicat national des travailleurs de l’industrie de l’alimentation) tués en 18 ans, des milliers de disparus et presque quatre millions de personnes déplacées.
Le SINALTRAINAL est touché par une centaine d’assassinats annuels et en dix ans le nombre d’affiliés est passé de 5.400 à 2.300. « La campagne mondiale contre Coca-Cola insiste sur l’importance de la consommation responsable et sur la possibilité réelle d’élever notre voix au moyen de l’activité la plus importante de notre existence, ici et maintenant : la maudite consommation et la manipulation publicitaire de nos vies. [...] La campagne mondiale contre Coca-Cola dénonce les atteintes de la multinationale aux droits des travailleurs, à l’environnement, à la santé, aux cultures et à la vie des personnes en Colombie et dans le reste du monde. »
Des syndicats d’Amérique et d’Europe participent à cette campagne, action en Italie pendant les jeux olympiques d’hiver cette année et durant le mondial en Allemagne.
Jugement personnel sur un autre sujet : des problèmes de permanents existent à la CGT et on peut les réduire à trois situations :
– L’absence de candidats (par exemple le secrétariat international n’est pas assuré, une seule équipe candidate en juin 2006 pour la région de Marid-Castilla-La Manche) ;
– La suractivité, la surcharge de travail qui tombe sur les volontaires élus ;
– La négligence d’autres responsables désignés qui font très peu d’activités et, parfois, moins d’heures que celles qui leur sont assignées.
On reconnaît toute une analyse du rôle des permanents, depuis Malatesta au congrès d’Amsterdam en 1907. Le problème, dans le cas de la CGT, est qu’il existe une forte conscience des réalités qui accompagnent l’utilisation des permanents. On peut en déduire que dans une confédération de 50.000 cotisants, la séparation entre affiliés et militants se consacrant à l’Organisation reste forte, en dépit des appels répétés à la vigilance et à la répartition des tâches.
Je laisse volontairement de côté l’influence certaine du franquisme sur un développement de l’individualisme et du silence face à la corruption (presque toujours de responsables du régime). C’est à peu près la même situation en France (Tapi, Le Pen, Strauss-Kahn) les gagnants de la finance et de la politique collectionnent les procès pour escroqueries et profitent des lois pour blanchir les salauds (lire “ le Canard enchaîné ”), ce qui leur permet de rebondir, après chaque chute.
Face à cette situation. On peut imaginer la réponse des fanatiques de l’anarchosyndicalisme irréel et du conseillisme, unis dans ce cas par leur vision limitée à des groupes idéologiques fermés d’une trentaine de personnes, dans la meilleure des situations (1). Pour ces sectaires, le réformisme syndical ne peut être dépassé que par l’autogestion à la base et la rotation des tâches.
Le problème est que les multiples aspects d’une confédération syndicale - et c’est la même plan pour une grande entreprise, pour la société actuelle - oblige à combiner non seulement les aspects matériels et intellectuels, mais à en multiplier la portée. Il en découle des spécialisations lourde et parfois difficilement transmissibles. Le PC bulgare en 1966 avait un slogan parfaitement libertaire : dans chaque clinique et hôpital on avait une affichette : « vseki lekar, sanitar » (chaque médecin [doit être aussi] aide soignant). Sympa et pourquoi pas le contraire, mais sans aucune formation d’accompagnement et dans un pays où les guérisseurs étaient parfois plus efficaces que les diplômés de la fac de médecine, la campagne tomba dans le marxisme du parti de rien je suis arrivé à la ruine (Groucho Marx, le marxiste le moins dangereux qui existe).
Les applications matérielles des critiques syndicales impliquent l’analyse écologique des composants de toute la chaîne de production, avec les effets sur la santé. Il en découle des formations pour la prévention, la guérison, des membres et des proches de l’Organisation, ainsi que des usagers.
Autant de tâches strictes et évolutives (suivant le lien direct avec les techniciens), qui exigent des mises à jour rapides. La rotation des responsabilités et l’autogestion doivent s’entendre alors au sens large de capacités de pouvoir passer d’un domaine à l’autre sur un plan similaire (mécanique, informatique, sociologique).
De plus, la gestion du temps entraîne des blocages (vie professionnelle, familiale et/ou personnelle, syndicale, culturelle et festive), chaque plan étant imbriqué au maximum, d’où le phénomène du militantisme en zigzags - suractivité, puis disparition due au stress et à l’épuisement, réapparition, etc. -. Enfin, certains disposent de temps, mais pas forcément de caractère collectif, d’où des avancées énormes subites, sans forcément de possibilités de suivis et encore moins de répartition des tâches (cas du responsable des intermittents du spectacle CNT en 2002).
En conclusion je renvoie à la CNT espagnole des années qui avait 20-30 permanents en 1932-1936 et dont une partie resta à la base pendant la révolution sociale de 1936-1939, l’autre grimpant dans les hauteurs nauséabondes du pouvoir.
Conclusion personnelle sur ce sujet des permanents : si on dispose de militants capables et motivés, il faut en profiter ; dans le cas contraire, il vaut mieux stagner. Et pour les indécis, une question : si les sept ou huit millions de personnes vivant en France en marge de la pauvreté et en pleine pauvreté adhèrent à la CNT, on leur propose de lire les statuts (lesquels ?) et de les appliquer par l’autogestion et la rotation des tâches ou on se dote de quelques permanents conscients et responsables ? 1) La Kras [confédération révolutionnaire anarchosyndicaliste] représente l’anarchosyndicalisme officiel, en rapport avec l’AIT. En juin 2004, la Fran a été créée (fédération des révolutionnaires anarchistes) avec des groupes anarchistes de Yaroslav, la fédération anarchocommuniste, l’initiative pour une fédération étudiante. Cependant les statuts (de 1995, confirmés en 2003) de la Kras ont cet article :
“ 4. Affiliés : la Kras considère inacceptable pour ses membres :
– l’exploitation du travail d’autrui ;
– l’affiliation à des partis politiques et à d’autres organisations, qui luttent pour le pouvoir ;
– la participation à des organes du pouvoir et à des élections ;
– la propagande des idées étatiques et capitalistes ;
– le non respect des principes éthiques de l’entraide, de la solidarité et de la liberté ;
– l’absence systématique aux réunions (trois mois de suite) ;
– le non respect d’obligations acceptées sans justifications. “
Il est évident que nous avons une confusion constante entre un groupe anarchiste et un syndicat. Rien ni personne n’a prédisposé et préparé les travailleurs russes à une conduite libertaire consciente. L’oeuvre et le militantisme syndical consistent à donner aux salariés des informations pour les éloigner peu à peu des partis politiques et de l’Etat. C’est pourquoi actuellement je me demande quel travailleur peut adhérer à un syndicat qui lui interdit les idées capitalistes et l’affiliation à des groupes politiques !
(Article en espagnol sur l’anarchisme en Russie publié incomplet dans Polémica en 2005, mais disponible sur ce site).
B) Luttes de la CNT
Mercadona condamné pour harcèlement, ainfos, 19.07.06.
Le syndicat CNT a gagné un procès pour harcèlement contre l’entreprise Mercadona, et le juge des affaires sociales nº 2 de Cordoue la condamne à payer une indemnisation de 20 000 € à une ancienne employée de l’entreprise du nom de nombre Marta F. C.
Après son licenciement, l’employée continua à subir des vexations de la part de son supérieur, d’où des difficultés respiratoires, d’instabilité émotionnelle, d’isolement de la famille et de la société, insomnie, encéphalée, vomissements, désespoirs, tentative de suicide en octobre 2004.
« Mercadona, 119 jours de grève titrait Ainfos du 19.07.06, et signalait que dix travailleurs grévistes s’étaient enchaînés en plein centre de Barcelone, avec le soutien de cénétistes, comme symbole de l’enchaînement au désespoir. La lutte continue. »
3) Récupération de la mémoire historique
Le supplément de vingt pages de « Rojo y Negro » marque en même temps qu’une exposition de la CGT à Madrid le 70 ème anniversaire de la révolution espagnole, célébrée avec juste raison le 19 juillet, réponse armée d’une partie des travailleurs aux militaires factieux. Remarque personnelle, partout où les francs maçons ont pactisé le 19 juillet avec les fascistes, ils ont été bernés. Quant aux cénétistes francs maçons de Saragosse et de Huesca (Miguel Abós et Ramón Acín, sauf erreur), en laissant de côté que leur influence entraîna la liquidation de milliers de cénétistes et d’autres milliers de militants de gauche, leur sort personnel ne fut guère brillant : Ramón Acín fusillé et Miguel Abós, manipulé par la phalange et envoyé par elle côté républicain, condamné à mort par une assemblée de la CNT, mais gracié, mort peu après en exil en France, visiblement cassé par les événements. Il demeure que certains francs maçons franquistes (clandestins puisque le franquisme était anti FM) ont donné parfois des coups de pouce (Jesús Guillén, par exemple, reçut une aide en 1940).
En fait, l’exposition a permis de réunir beaucoup de matériel graphique et d’apport de spécialistes de la CGT ou proches d’elle, concentrés dans un livre bien illustré et avec un cdrom reprenant les panneaux de l’exposition, avec l’hymne de la CNT.
Le 19 juillet, jour de la présentation de l’exposition et du livre à Madrid une enquête, du 14 juillet sur 800 personnes, publiée par El País donne des chiffres révélateurs. 64,5 % est en faveur de l’ouverture des fosses communes de la guerre civile et de la réhabilitation des victimes et 25,6 % est contre ; parmi ces dernières personnes de droite, 46,1 % est contre, mais 44,8 % sont pour. Pour la loi sur la Mémoire historique, 54,9 % sont pour, 27,3 % s’y oppose ; parmi la droite, 51,3 % contre et 30,4 % pour. A la question s’il y a deux Espagne qui s’affronte aujourd’hui 54,6 % pensent que oui, et 36,3 % non. Un autre chiffre montre que presque 30 % des Espagnols seraient pro franquistes. Dans la salle principale de l’Ateneo de Madrid, le 19 juillet, de 90 à 115 personnes ont suivi la présentation et un débat courtois a eu lieu avec intervention de personnes sans étiquette, de cégétiste et d’un dirigeant de la CNT-AIT du bâtiment. L’intervention de Félix García Moriyón sur le choix éthique de l’anarchisme a été plus vigoureuse que son texte, car il a mis en valeur que les révolutionnaires, par exemple, les cénétistes de la collectivité de Membrilla « socialisaient la pauvreté ». En cela ils montraient leur sagesse en priorisant la solidarité et en rejoignant Bakounine, « Je ne serai vraiment libre que lorsque tous les hommes et les femmes qui m’entourent seront libres. » (traduction du castillan, « Dieu et l’Etat » et inscrit sur un des panneaux de l’exposition). Félix García Moriyón a également insisté sur le choix de savoir avec qui nous sommes, les exploités et les exploiteurs, pour nous définir et sauvegarder la mémoire de ceux qui ont lutté pour une autre société.
Un camarade dans la salle, Carlos Ramos de la Fundación Salvador Seguí, a proposé d’utiliser la future loi du gouvernement sur la mémoire historique. J’ai repris cette éventualité en signalant la réalité argentine et la lutte pour imposer la mémoire des 30.000 disparus, notamment par des plaques à chaque endroit où ils ont vécu, où ils ont été enlevés.
Dans le supplément sur la mémoire, le terme « anarchiste » apparaît sous la plume du présentateur, le secrétaire de la CGT Eladio Villanueva, et d’autres intervenant. La multiplicité des thèmes abordés naturisme, espéranto, milices, pédagogie, autogestion, etc., pourrait faire croire à une sorte de juxtaposition de priorité de même valeur (comme dans la Fédération anarchiste française, me semble-t-il, mais je n’ai jamais fait partie). En fait, l’optique évidente espagnole depuis la création de la CNT est que le terme « anarchisme » recouvre en fait « la gestion des affaires publiques réalisée par tous afin d’obtenir un bien commun » (Félix García Moriyón), « Personne n’ignore aujourd’hui que les anarchistes ont toujours été la sève spirituelle des organisations prolétaires dans toutes les luttes vers l’émancipation du peuple. » (José Pérez Rico, avril 1938 et cité par Cristina Escrivá). C’est donc un anarchisme classiste et engagé dans la tradition bakouniniste.
A-infos, 19.07.06. donne en italien et en anglais un communiqué de la Federazione dei Comunisti Anarchici de Rome : « Ce 19 juillet dans l’Espagne de 1936 » qui insiste sur le côté positif et « un autre assez inférieur ». Bizarrement, pas de CNT ni d’anarcho-syndicalisme, mais des révolutionnaires communistes anarchistes insérés parmi les masses travailleuses [...] le rêve d’arriver à construire une réalité centrée sur l’individu [...] ce rêve les travailleurs et les travailleuses espagnoles l’ont construit en autogérant les transports, les usines, les milices, les ateliers, les écoles [...]
Dans la CNT (la Confederación Nacional del Trabajo) et dans la FAI (Federación Anarquista Ibérica) on constata dramatiquement la totale absence d’une stratégie et d’une tactique et de la conscience du but politique des libertaires dans une situation - objectivement bénéfique - d’écroulement total des structures étatiques et d’une large mobilisation prolétaire, en dépit d’un contexte international dei douloureuses défaites du mouvement ouvrier. [...] Los Amigos di Durruti [qui] cherchèrent à s’opposer à l’incapacité dirigiste de la nouvelle et de l’ancienne bureaucratie et à la violence stalinienne qui préféra combattre les anarchistes et la révolution plutôt que les fascistes et la bourgeoisie, les Mujeres Libres qui faisaient naître, par leur intelligence et leurs corps, la nouvelle Espagne qui n’est arrivée à voir le jour que bien après [optimisme discutable quant au présent], en démontrant que la liberté se construit jour après jour, toutes et tous ensemble, jusqu’à la reprise du "Communisme libertaire" d’Isaac Puente, synthèse lucide de tout ce qu’on aurait dû faire pour la révolution.
Sur un plan entièrement lié au passé et plongeant dans le présent, la CNT-AIT - Ainfos, 23.07.06 - a insisté sur son désaccord avec le gouvernement sur la restitution de son patrimoine historique (voir les Bulletin précédents).
« Le conseil des ministres du vendredi 21 juillet, a adopté un accord qui fixe les compensations pour le Patrimoine syndical historique à 26.07 millions d’euros pour l’UGT et 2.85 millions d’euros pour la CNT. Ce premier montant correspond aux dossiers de restitution les plus achevés.
Cependant, en juin dernier la CNT a présenté des faits dans les délais que le ministère lui-même avait prévu pour les dits dossiers. La CNT y exposait sa position opposée à certaines conclusions. Mais nos arguments n’ont pas retenus et la décision prise est un fait accompli.
Ces arguments touchaient :
– les immeubles sous estimés. [...] l’équivalence entre l’argent saisi et sa valeur en 1986 a subi de graves diminutions. On peut dire que les estimations de la CNT sont six fois supérieures à celles du ministère de l’Economie. [...] Des centaines d’immeubles, les uns à restituer, les autres à compenser. »
La CGT du Pays valencien a donné sa position sur Ainfos, 18.07.06, sur « 19 juillet, 1936-2006 : exploités contre exploiteurs. La lutte continue. »
« [...] une révolution libertaire qui a ébranlé le monde, pensée, commencé et conduite par les travailleurs, et qui a atteint la plus haute et la plus complète des réalisations idéales basées sur le socialisme jamais mise en place : démocratie populaire, autogestion ouvrière, paysanne et milicienne, union des organisations syndicales pour transformer l’économie, éducation intégrale du peuple [...]
A partir d’idées poursuivies dans d’autres pays par d’autres organisations de la gauche autoritaire, à partir de principes anarchistes combinés avec les stratégies et les intentions du syndicalisme révolutionnaire forgé à Amiens (France), cette lutte pour l’autogestion mise en pratique, cette collectivisation et cette socialisation, ont démontré au monde que les travailleurs, sans intermédiaires et sans bureaucrates, sans élites dirigeantes, sans contrôle policier, pourraient transformer la société à tout moment et en chaque lieu à condition de le vouloir, en améliorant la qualité et la productivité. C’était aussi la réponse à la Guerre de Classes déclanchée bien avant 36 : guerre contre les abus, la misère et l’ignorance, l’exploitation de l’homme par l’homme, une situation qui, en dépit de progrès évidents, perdure encore aujourd’hui. [...]
Un exemple à étudier et à comparer pour beaucoup d’autres mouvements de type político-social jusqu’à maintenant. Il suffit de rappeler les derniers cas dans l’Argentine de la banqueroute et du “corralito” [blocage des comptes bancaires], avec des mouvements comme celui des usines “récupérées” ou FASINPAT (Fabrique sans patron)... qui continuent à fonctionner malgré tous les contretemps. [...]
Toujours avec les exploités, jamais avec les exploiteurs. »
Secretaria de Comunicación Sindicato de transportes comunicación y mar de CGT-Valencia