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Le mouvement syndical autonome et les libertés syndicales en Algérie
lundi 20 mars 2006
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El Watan - Edition du 9-10 novembre 2005
Il faut commencer par le crier haut et fort, au moment où nous célébrons le 51e anniversaire du déclenchement de la Révolution du 1er Novembre 1954, les libertés syndicales sont en danger dans notre pays. La remise en cause des libertés syndicales a commencé en octobre 2003, quand le pouvoir en violation de la Constitution et des lois sociales du pays avait refusé de délivrer l’accusé d’enregistrement pour les deux principaux syndicats de l’enseignement secondaire le Conseil des lycées d’Alger (CLA) et le Conseil national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique (Cnapest)(1).
Cette politique connaîtra une escalade le 20 octobre 2004, en effet, suite aux grèves dans le secteur de la santé publique (grève du personnel paramédical, suivie de la grève des médecins spécialistes), le conseil du gouvernement avait publié un communiqué, dans lequel, le droit de grève est remis en cause. Ce communiqué va devenir, par la suite, une feuille de route pour les employeurs du secteur public et privé, pour réprimer les libertés syndicales et, à leur tête, le droit de grève. Les syndicats autonomes et certaines sections de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA)(2) qui ont appelé à la grève (après le 20 octobre 2004) pour défendre les revendications socioprofessionnelles de leurs adhérents, ont subi un harcèlement judiciaire de la part des employeurs(3). Les dirigeants syndicaux sont traînés devant la justice, la grève est déclarée (dans la majorité des cas) illégale, parfois avant même qu’elle ne commence(4), et même si la loi 90-02 a été respectée(5). Nous assistons aussi à la criminalisation du droit syndical, puisque certains dirigeants syndicalistes sont poursuivis en justice et mis sous contrôle judiciaire, suite aux grèves initiées par le collectif des adhérents de leurs syndicats, c’est le cas pour les dirigeants du syndicat Cnapest. Il faut signaler aussi que la répression policière à l’appel de l’employeur est utilisée parfois pour briser les actions syndicales. Ce fut le cas, par deux fois, dans le secteur de l’enseignement supérieur durant l’année 2005. En effet, dans la nuit du 15 au 16 janvier dernier, le recteur de l’université d’Alger a fait appel aux forces de police pour réprimer et évacuer par la force les étudiants de la faculté des sciences politiques et de l’information, qui occupaient pacifiquement les locaux de leur faculté pour demander la libération de leurs camarades arrêtés, suite à un mouvement de protestation autour de leurs revendications sociopédagogiques. Le 12 octobre 2005, c’est au tour du ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique de faire appel aux forces de police pour réprimer violemment les employés du ministère de l’Enseignement supérieur (la violence policière a fait 7 blessés, dont une femme enceinte), qui tenaient un sit-in pacifique à l’intérieur de l’enceinte du ministère, pour défendre leurs revendications socioprofessionnelles. Quels sont les objectifs de cette politique répressive des libertés syndicales initiée par le pouvoir depuis octobre 2003 ? Quelles sont les conséquences de cette répression sur la combativité du mouvement syndical démocratique et revendicatif ? Quels sont les enjeux des luttes syndicales actuelles qui sont menées pour résister à cette remise en cause du droit de grève et les conséquences de ces luttes sur le paysage syndical ? Quelles sont les perspectives du mouvement syndical autonome ?
Les objectifs de la politique de répression des libertés syndicales
Les objectifs assignés par le pouvoir à sa politique de ré
pression des libertés syndicales sont les suivants : 1) Contenir l’avancée du mouvement syndical démocratique et revendicatif dans le secteur stratégique de l’éducation nationale (qui compte 500 000 employés) afin d’empêcher l’émergence de nouveaux syndicats démocratiques et revendicatifs dans l’enseignement moyen et primaire. En effet, l’hégémonie des syndicats Cnapest et Cla dans le secteur de l’enseignement secondaire acquise grâce aux luttes et aux sacrifices des enseignantes et des enseignants du secondaire depuis la grande grève qui a paralysé les lycées d’octobre 2003 à janvier 2004, a profondément changé de rapport de force dans le secteur de l’éducation et dans le paysage syndical algérien et a ouvert des perspectives syndicales intéressantes pour les enseignants des cycles moyens et primaires.
2) Briser par la répression policière, le harcèlement judiciaire et la criminalité du droit syndical toutes les luttes syndicales qui se mènent dans le secteur public et privé autour des revendications socioprofessionnelles, mais c’est la revendication stratégique, légitime et commune à tous les travailleurs algériens : l’augmentation des salaires qui est devenue le cauchemar des technocrates néolibéraux du pouvoir. Le pouvoir fidèle aux recommandations du FMI (voir plus loin) refuse catégoriquement de parler d’augmentation des salaires en dehors d’une croissance économique hors hydrocarbures. Il faut signaler aussi que le pacte économique et social, qui sera signé en décembre prochain entre le gouvernement, le patronat et la direction de l’UGTA, est le seul cadre social dans lequel le pouvoir accepte de parler des salaires. En réalité, le futur pacte économique et social n’est qu’une machine politique pour la remise en cause du droit de grève, car il permettra de « légaliser » la répression des grèves qui seront menées par le mouvement syndical démocratique et revendicatif autour de la question des salaires. La revendication de l’augmentation des salaires est un enjeu stratégique pour le mouvement syndical démocratique et revendicatif, car la dégradation dramatique du pouvoir d’achat de l’écrasante majorité du peuple, depuis quelques années, risque de créer dans le moyen terme une démobilisation générale chez les adhérentes et adhérents des syndicats dans tous les secteurs. Elle se traduira par une course effrénée des adhérents des syndicats aux emplois secondaires, aux vacations, aux heures supplémentaires, afin de subvenir aux besoins quotidiens de leur famille, ce qui est parfaitement légitime. Cette course effrénée pour la survie quotidienne sera un danger potentiel pour les luttes syndicales et risquera d’annihiler les capacités de résistance du mouvement syndical démocratique et revendicatif au projet néolibéral du pouvoir. En effet, cette situation a déjà été vécue par de nombreux pays où toute contestation sociale des travailleurs est bannie depuis des lustres après que la thérapie de choc néolibérale du FMI/Banque mondiale/OMC ait été appliquée par les gouvernements de ces pays et qui a plongé la majorité des peuples de ces pays dans la misère sociale, politique et économique. Contrairement aux idées reçues, la précarité sociale, la misère sociale et les bas salaires sont les alliés objectifs du pouvoir car ils brisent, à moyen terme, toute mobilisation syndicale et sont de fait les ennemis de la syndicalisation des travailleurs et de la résistance sociale. Les déclarations publiques faites à Alger le 15 octobre dernier par M. Erik de Vrijer, responsable du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, où il plaidait pour une non-valorisation des salaires en Algérie, en invoquant les dogmes chers aux prêtres-économistes de la religion néolibérale (et aussi aux technocrates néolibéraux du pouvoir) et qui sont « Pas d’augmentation des salaires sans une croissance économique hors hydrocarbures » et « l’augmentation des salaires engendrera, pour le moment, une augmentation de l’inflation », confirment que le pouvoir applique les recommandations du FMI depuis 1994, date de signature de l’accord avec le FMI pour l’application du plan d’ajustement structurel (PAS) à l’économie algérienne. Cette politique néolibérale du pouvoir, soutenu par le FMI, vise tout simplement à éradiquer toute contestation sociale en plongeant dans la précarité économique et la misère sociale l’ensemble des travailleurs du secteur public et privé.
3) Briser toutes les résistances sociales qui s’opposent au projet néolibèral mis en route depuis 1994 par le pouvoir sous l’injonction du FMI et la Banque mondiale dans le cadre du PAS, car le mouvement syndical démocratique et revendicatif mène depuis des années un combat acharné pour la défense du secteur public dans l’enseignement supérieur, la santé, l’éducation nationale, le transport ferroviaire et dans ce qui reste du secteur public économique et industriel. Il faut rappeler que l’idéologie néolibérale est, par essence, contre les droits syndicaux et, pour preuve, le rapport annuel 2004 de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) qui dresse le bilan des violations du droit syndical dans le monde en 2003, montre que la mondialisation néolibérale a aggravé la répression syndicale dans de nombreux pays(6). Former un syndicat, y être affilié, militer pour des revendications collectives ou se mettre en grève demeurent des droits fondamentaux dangereux à exercer dans de nombreuses régions du monde. Les gouvernements et les employeurs sont désignés dans ce rapport comme les principaux responsables de ces atteintes au droit syndical. En Asie, on a recensé plus de 300 000 travailleurs et travailleuses licenciés en 2003 pour activités syndicales, essentiellement à la suite d’une grève. La Chine et la Thaïlande par exemple ne font pas rimer leur décollage économique avec l’exercice des droits fondamentaux des travailleurs, les autorités politiques de ces deux pays mettant la compétitivité au dessus du droit syndical, pour attirer des entreprises consentantes, ont interdit le droit de grève et le droit syndical. Aux USA et dans les pays de l’Union européenne, les libertés syndicales sont malmenées ; nous citerons trois exemples : aux USA, dans l’Etat du New Jersey, les grèves des employés du service public sont illégales, et faire grève dans le secteur public peut vous emmener en prison. Le 29 novembre 2001, les adhérentes et adhérents du syndicat Middletown Township Education Association (MTEA) qui est le syndicat d’enseignants de l’agglomération de Middletown sont rentrés en grève pour protester contre l’augmentation des cotisations pour l’assurance maladie qui a été décidé par le Conseil de circonscription scolaire (organe de gestion de l’enseignement public). A la demande des autorités responsables de l’enseignement, la justice avait décidé une astreinte d’une semaine d’emprisonnement pour tout enseignant refusant de reprendre le travail, et le 3 décembre 2001, 228 enseignants en grève ont été emprisonnés. En France, le gouvernement a envoyé le 28 septembre dernier, des commandos de la gendarmerie (GIGN) et de la marine pour mettre fin à l’occupation du navire Pascal-Paoli par les marins appartenant au Syndicat des travailleurs corses (STC) qui étaient en grève pour s’opposer à la privatisation de la Société nationale Corse-Méditerranée (SNCM). Quatre dirigeants syndicaux du STC à bord du navire furent arrêtés et traduits en justice. Ils furent libérés grâce à la formidable mobilisation du mouvement social en Corse et à Marseille. En Angleterre, quelques employeurs ont recours à des firmes de conseil américaines pour résister contre les tentatives de syndicalisation de leurs employés.
Les luttes syndicales pour la défense du droit de grève
Depuis le 20 octobre 2004, le mouvement syndical démocratique et revendicatif est rentré dans une nouvelle phase de son histoire, il est rentré dans une phase de résistance. La remise en cause du droit de grève va obliger les syndicats autonomes et les syndicats d’entreprise affiliés à l’UGTA (qui se battent sur une ligne syndicale démocratique et revendicative, voir plus loin) à réévaluer leurs stratégies de lutte pour faire aboutir leurs revendications socioprofessionnelles. La défense du droit de grève est devenue aujourd’hui une revendication stratégique au même titre que l’augmentation des salaires, le statut de la fonction publique et la défense du secteur public. Cela veut dire que chaque adhérente et adhérent d’un syndicat doivent se mobiliser au quotidien pour défendre le droit de grève. Cette stratégie syndicale de défense du droit de grève au quotidien va surprendre le pouvoir qui avait sous-estimé les capacités de résistance du mouvement syndical démocratique et revendicatif en croyant que la répression judiciaire et la criminalisation du droit syndical seraient suffisants pour éradiquer toute contestation sociale. Les luttes menées depuis le 20 octobre 2004 par les syndicats Cnapest, CLA, Syndicat autonome des travailleurs de éducation et de la formation (Satef), Syndicat d’entreprise de l’éducation affilié à l’UGTA de Béjaia (SETE ), Conseil national des enseignants du supérieur (CNES), les sections de la wilaya de Béjaïa, Syndicat national autonome du personnel de l’administration publique (SNAPAP), le Syndicat des vétérinaires de la fonction publique, la section UGTA de l’entreprise ABC Pepsi de Rouiba ont démontré que la défense du droit de grève doit être intégrée dans la stratégie de lutte pour l’aboutissement des revendications socioprofessionnelles. Les adhérents doivent connaître toutes les procédures prévues par la loi 90-02 au cours d’un conflit social et surtout la grève doit être votée à bulletin secret par 51% des adhérents, en présence d’un représentant de l’employeur qui doit cosigner le PV du dépouillement du vote de la grève. Il faut aussi informer les adhérents que la loi 90-02 dit que la grève appartient au collectif des travailleurs et non au syndicat. Ces luttes ont montré aussi que le mouvement syndical démocratique et revendicatif a intégré la répression judiciaire dans sa stratégie de lutte. La lutte des enseignants de l’Université des sciences et de la technologie d’Oran (USTO) et de l’Ecole supérieure des beaux-arts (ESBA) illustrent parfaitement la stratégie de défense du droit de grève au quotidien par les adhérents des syndicats et la résistance au harcèlement judiciaire de employeur.
Retour sur deux conflits sociaux :
La lutte des enseignants de I’USTO et de I’ESBA Les enseignants de l’USTO sont rentrés en grève à l’appel de la section CNES-USTO durant la période des examens de fin d’année vers la fin du mois de mai 2005, autour d’une plateforme de revendications socioprofessionnelles. Durant ce conflit social qui a duré deux semaines, le recteur de l’USTO va engager trois actions de justice en référé contre la section CNES-USTO pour grève illégale, la justice va déclarer la grève illégale par trois fois, et la section CNES-USTO déposera trois préavis de grève ! Mais la réalité du terrain et le rapport de force vont rattraper l’administration universitaire locale et du MESRS, aucun examen n’aura lieu, car les enseignants fortement déterminés à défendre le droit de grève ont refusé de faire les examens et les étudiants ont refusé de passer les examens tant que le conflit social ne s’arrêtait pas. Finalement, l’administration de l’USTO et du MESRS acceptera d’ouvrir les négociations conformément aux lois sociales avec la section CNES-USTO en présence de 3 membres du bureau national du CNES. La prise en charge rapide d’une partie des revendications des enseignants permettra la suspension de la grève. Les enseignants de l’ESBA sont entrés en grève à l’appel de la section CNES-ESBA le 12 juin dernier durant la période des examens, pour exiger le respect du droit syndical et pour défendre une plate-forme de revendications socioprofessionnelles. La grève a été votée par la majorité des adhérents à bulletin secret en présence d’une représentante de l’administration de l’ESBA qui a cosigné le PV du dépouillement du vote. Le respect de la loi 90-02 par la section CNES-ESBA ne va pas empêcher l’administration de l’Ecole des beaux-arts d’intenter une action en justice en référé contre la section CNES-ESBA vers la fin juin, auprès de la chambre administrative du tribunal d’Alger, pour grève illégale ! La chambre administrative va se déclarer incompétente pour juger l’affaire. Malgré ce jugement, le harcèlement judiciaire de l’administration de l’Ecole des beaux-arts va continuer, puisqu’elle a fait appel auprès du Conseil d’Etat, qui va la débouter le 13 septembre 2005, en confirmant le 1er jugement rendu par la chambre administrative.
Les enjeux des luttes syndicales actuelles et leurs conséquences sur le paysage syndical
L’administration de l’Ecole des beaux-arts va geler les salaires durant 3 mois et demi, y compris les salaires des mois de juillet et d’août, alors que les enseignants étaient en vacances, après gel de la grève le 4 juillet 2005. La grève a repris le 4 septembre 2005 (elle a duré 60 jours), l’administration tentera de casser la grève par tous les moyens, mais cela n’entamera en rien la détermination des enseignants en grève. Ils ont organisé un sit-in le 2 octobre dernier devant le ministère de la Culture, et le rapport de force, créé par leur détermination et leur mobilisation pour défendre le droit de grève et le droit syndical, va obliger l’administration du ministère de la Culture à ouvrir les négociations avec la section CNES-ESBA pour la prise en charge de leurs revendications socioprofessionnelles. Les grèves des enseignants de l’Ecole supérieure des beaux-arts et des enseignants de l’Université des sciences et de la technologie d’Oran ont montré d’une façon éclatante que la défense du droit de grève et du droit syndical par les adhérents est une stratégie essentielle pour empêcher la remise en cause des droits syndicaux dans notre pays. En conclusion, nous pouvons dire que les luttes du mouvement syndical démocratique et revendicatif après le 20 octobre 2004 ont montré que la défense du droit de grève et des libertés syndicales ne peut se faire que par la base des syndicats au cours des luttes sociales et au quotidien, afin de créer un rapport de force permanent qui oblige les employeurs à respecter les lois sociales.
Les nouvelles structures syndicales
L’augmentation des salaires, la promulgation du statut de la Fonction publique, la défense du droit syndical et du secteur public, la résistance au projet néolibéral du pouvoir sont les enjeux stratégiques des luttes syndicales qui sont menées actuellement par les syndicats autonomes et certains syndicats d’entreprise affiliés à l’UGTA. Le combat mené par le mouvement syndical autonome depuis 1990 et sa résistance depuis deux années à la politique répressive des libertés syndicales, initié par le pouvoir depuis octobre 2003, ont eu des conséquences majeures sur le paysage syndical en Algérie en permettant l’émergence de nouvelles structures syndicales créées par les syndicats autonomes et par certains syndicats d’entreprises affiliés à I’UGTA. On peut citer le Comité national des libertés syndicales (CNLS), la Coordination des syndicats d’entreprise affiliés à l’UGTA au niveau de la wilaya d’Alger, les états généraux des syndicats de l’éducation nationale. Le refus de délivrer le récépissé d’enregistrement aux syndicats Cnapest et CLA et le harcèlement judiciaire et policier contre les syndicalistes de ces deux syndicats vont entraîner la création du CNLS le 7 octobre 2003 par sept syndicats autonomes. L’activité du CNLS, comme observatoire de la vie syndicale et de l’état des libertés syndicales, est essentielle pour donner une visibilité aux luttes syndicales dans notre pays et pour la diffusion de la culture syndicale dans la société. Ce qui est aussi intéressant à souligner aujourd’hui, c’est la diffusion de l’identité du syndicalisme autonome (fonctionnement démocratique, création de structures syndicales représentatives émanant de la base, direction collective du mouvement...) au niveau de certains syndicats d’entreprise du secteur public économique et industriel affiliés de l’UGTA (BEA, BDL, Enelec, Cnan, Douanes, Nashco, Entmv et ports) qui ont créé depuis une année une coordination syndicale au niveau d’Alger. « Parce que les structures organisationnelles (union de wilaya) sont verrouillées et non représentatives, il y règne un climat de dictature et des pratiques policières. Des syndicalistes ont été harcelés, emprisonnés, réprimés, licenciés de leur travail et aucune réaction n’a été enregistrée pour y faire face. La coordination n’appartient pas au port, mais à tous les travailleurs qui veulent bien défendre leur outil de travail », a déclaré un membre de la Commission exécutive nationale (CEN) de l’UGTA lors de la réunion de la coordination des syndicats le 26 octobre 2005 à Alger(7). Cette coordination de syndicats d’entreprise est en train de remettre en cause publiquement le rôle traditionnel assigné par les directions de l’UGTA (depuis le congrès de 1963) à leur syndicat, c’est-à-dire celui d’allier politique inconditionnel du pouvoir. En effet, la coordination exige que I’UGTA devienne un syndicat démocratique et revendicatif au service des intérêts des travailleurs. Il est clair aussi que l’incapacité de la direction actuelle de l’UGTA à s’opposer au projet néolibéral du pouvoir et à ses terribles conséquences sociales (la précarité sociale, les bas salaires, les compressions massives des travailleurs, les problèmes des retraités, le chômage, le bradage des entreprises économiques) a joué aussi un rôle déterminant dans la création de cette coordination.
Les perspectives du mouvement syndical autonome
La répression des libertés syndicales dans le secteur de l’éducation nationale, la lutte et la résistance des syndicats Cnapest et CLA ont entraîné une convergence syndicale dans le secteur de l’éducation nationale. Le 30 octobre 2005, six syndicats de l’éducation nationale : Cnapest, CLA, Satef, SETE de Béjaïa, SNTE, Unpef (Union nationale du personnel de l’enseignement et de la formation) ont décidé de joindre leurs forces autour d’une plate-forme de revendications en trois points : l’augmentation des salaires, le statut particulier du travailleur de l’éducation nationale et le respect du droit syndical. Ces nouvelles structures syndicales vont faire évoluer avec les luttes au quotidien des travailleurs, le rapport de force dans la société en faveur d’un syndicalisme démocratique et revendicatif. Le projet néolibéral du pouvoir, sa politique répressive des libertés syndicales, les luttes du mouvement syndical autonome depuis 1990 ont permis une convergence sur le terrain des luttes entre les syndicats autonomes et certains syndicats d’entreprise affiliés à l’UGTA. La diffusion de l’identité du mouvement syndical autonome à l’intérieur de l’UGTA est un acquis considérable pour le mouvement syndical démocratique et revendicatif et les luttes syndicales à venir, les luttes du mouvement syndical autonome pour l’augmentation des salaires, le statut de la fonction publique, la défense du droit syndical et du secteur public doivent converger sur le terrain avec celles du courant syndical démocratique et revendicatif de l’UGTA. Cette convergence a déjà commencé au niveau du secteur de l’éducation nationale. Les luttes à venir du mouvement syndical autonome doivent pérenniser dans la société algérienne l’identité syndicale autonome, la défense au quotidien des libertés syndicales par les travailleurs, afin de créer un contre-pouvoir social fort et structuré qui permettra de mettre en échec le tsunami social programmé par les technocrates néolibéraux du pouvoir.
Farid Cherbal
(*) L’auteur est Universitaire syndicaliste
Notes de renvoi : 1) Voir notre article « Contribution ô l’analyse du Mouvement Syndical Autonome en Algérie » paru dans El Watan du 30 novembre et 1er décembre 2004.
2) On peut citer la grève déclenchée le 15 octobre 2005 par les travailleurs affiliés au syndicat d’entreprise UGTA de l’unité de l’Atlas Botteling Corporation Pepsi de Rouiba.
3) Les employeurs suivants : le ministère de l’Education, l’académie d’Alger, l’administration de l’USTO, l’administration de l’ESBA, le ministère de l’Agriculture, I’entreprise ABC Pepsi de Rouiba ont tous intenté une action (ou plusieurs) en justice en référé pour grève illégale contre les syndicats ayant appelé à la grève dans leur secteur respectif.
4) C’est le cas de la grève de deux jours le 9 et 10 janvier 2005 à l’appel du Cnapest et celle du 6 et 7 février 2005 à l’appel du CLA.
5) La loi 90-02.
6) Voir le site Web http://novethic.fr
7) Voir El Watan du 27 octobre 2005.