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Loi sur l’égalité des chances - décryptage
La loi sur l’égalité des chances, avec ses amendements, se fixe une cible prioritaire : les jeunes... c’est aussi un formidable cadeau aux employeurs.
lundi 16 janvier 2006
Voir le projet de loi et les amendementssur le site de l’Assemblée nationale.
Calendrier parlementaire : examen de la loi du 31 janvier au 9 février.
SOMMAIRE
1) Le contrat précarité étendue (CPE)
2) L’apprentissage
3) Les stagiaires
4) Service civil volontaire
5) Les zones franches urbaines (ZFU)
6) Abattements de cotisations et d’impôts pour les patrons
7) Contrat de responsabilité parentale
Les jeunes et les quartiers populaires seront les principales victimes de cette loi.
Pour les jeunes, de nouvelles étapes de précarité sont mises en places (CPE, service civil), tandis que l’âge du début de l’exploitation est abaissé : dès 14 ans, ils entreront dans le processus du contrat d’apprentissage. Quant aux stages, dont l’Etat et de nombreuses entreprises usent et abusent, aucun progrès notable, sinon l’obligation d’une « indemnité »... à partir du quatrième mois, sans seuil minimum, elle ne constitue pas un salaire et est sujette à abattement de charges sociales, ce qui encouragera un plafonnement de l’indemnité à 360 euros, après trois mois de travail gratuit !
Pour les quartiers où vivent les travailleurs les plus pauvres et où se concentre le plus de précarité et de chômage, l’Etat choisit de punir les parents qui n’auront su dresser leurs enfants à se taire, à subir et à obéir. Et la création de nouvelles zones franches participe aux fabuleux cadeaux qui sont faits au patronat... cadeaux qui augmenteront leurs bénéfices, tout en diminuant les ressources de la sécurité sociale... ce qui entraînera encore plus de misère, encore plus de violence, encore plus de répression... Encore plus de cadeaux, encore plus de profits, encore plus de misère... Les frères Sarkozy, le grand patron Guillaume et le grand flic Nicolas, n’ont pas fini de se gaver.
Grande semaine du jeune travailleur, on brade le stock
1) Le “contrat précarité étendue” (CPE - aussi appelé « contrat première embauche »)
– Entreprises de plus de 20 salariés.
– Jeunes de moins de 26 ans.
– Période d’essai de 2 ans.
– Contestation du licenciement : prescription au bout de douze mois (au lieu de 30 ans dans le droit du travail !).
– Ne peut servir à recruter des emplois saisonniers.
– Possibilité de bénéficier du congé de fromation et du droit individuel à la formation.
– Prise en compte des stages et périodes d’intérim réalisés dans les deux ans avant la signature du contrat dans la durée de la période d’essai de deux ans.
– Rupture par simple lettre recommandée avec accusé de réception.
– Préavis de deux semaines pour un contrat de 1 mois à 6 mois, préavis d’un mois pour un contrat de 6 mois à 2 ans.
– Indemnité de licenciement de 8% du montant total de la rémunération brute (sans cotisations sociales !)
– Contribution de 2% aux Assédic.
– Après rupture du CPE, l’employeur ne peut employer le même salarié avant un délai de 3 mois.
– Travailleurs virés entre 4 mois et 6 mois d’ancienneté ont une allocation d’Etat forfaitaire pendant deux mois (16,4 euros par jour !), dans les mêmes conditions que pour le CNE.
Le gouvernement présente le CPE et le CNE comme des CDI... curieuse sécurité de l’emploi que de pouvoir se faire virer sans motif pendant deux ans ! Cela sans aucune garantie d’accès au logement ou aux prêts, contrairement aux affirmations de Villepin. Quant à l’immense progrès social annoncé, qu’on en juge sur pièce : deux mois d’indemnité chômage à 16,4 euros par jour, à condition d’avoir entre 4 mois et 6 mois d’ancienneté... Quelle générosité...
2) L’apprentissage
– augmentation de la taxe d’apprentissage pour les entreprises de plus de 250 salariés ayant un nombre d’apprentis inférieur au seuil (3% des effectifs à partir de 2008 - aujourd’hui 0,5% des effectifs) : 0,6% de la masse salariale. Objectif : 500000 jeunes en contrat d’apprentisisage à partir de 2009, 200000 nouveaux par an à partir de 2007.
Les apprentis junior
– à partir de 14 ans
– 1 an en “parcours d’initiation au métier” dans le cadre scolaire (+ stages en entreprises) ; Puis contrat d’apprentissage en entreprise à partir de 15 ans (même pour les jeunes n’ayant pas fini le 1er cycle de l’enseignement scolaire).
– tutorat non obligatoire de l’apprenti junior
– possibilité de réintégrer l’enseignement général (théorique car élèves largués !) jusqu’à 16 ans, avec l’accord du représentant légal
– extension du contrat d’apprentissage au-delà de deux ans facilitée
– 2200 euros d’abattement fiscal pour un patron d’apprenti junior (au lieu de 1600 euros)
– 100 euros de crédit d’impôt par semaine de présence dans l’entreprise pour un employeur de stagiaire en “parcours d’initiation” (jusqu’à 6 mois par an !)
Le développement de l’apprentissage, c’est tout bénéfice. Tout bénéfice pour l’Etat : moins de jeunes dans les écoles, donc baisse du budget de l’Education nationale. Tout bénéfice pour le patronat : 3 % des salariés pour un salaire de misère, en échange d’un « apprentissage » le plus souvent bidon, sans aucune garantie (pas même d’un tuteur issu de l’Education nationale). 500 000 faux apprentis de plus, c’est 500 000 vrais CDI de moins.
3) Les stagiaires
– Indemnisation des stages de plus de trois mois : ce n’est pas un salaire !
– Indemnité fixée en entreprise, par convention de branche ou accord professionnel (pas de seuil minimum).
– Abattement de cotisation sociale à hauteur de 360 euros d’indemnité mensuelle.
– Prise en compte des stages dans l’ancienneté (CPE).
Il s’agit d’une institutionnalisation perverse des stages comme période de travail, sans aucune réelle compensation. Les revendications des stagiaires (un vrai statut inscrit dans le Code du travail, un vrai salaire, soumis à cotisations sociales, dès le début du stage et augmentant avec la durée de ce dernier) ne sont pas prises en compte. L’abattement de cotisations sociales sur une indemnité minimaliste était déjà en vigueur : il encourage les patrons à ne pas payer plus, au lieu de les obliger à un salaire minimum.
4) Service civil volontaire
– Jeunes de 16 à 25 ans.
– Dans un but d’intérêt général ou d’expérience professionnelle.
Pas de garantie de salaire, pas de conditions claires d’emploi pour ce « service civil ». L’intérêt général pourra tout aussi bien être celui d’entreprises qui imposeront aux jeunes cette nouvelle étape de précarité avant un vrai travail payé normalement.
5) Les zones franches urbaines (ZFU)
– Création de nouvelles zones franches urbaines (une quinzaine).
– Extension des ZFU existantes.
– Le chiffre d’affaires de l’entreprise ne doit pas excéder 50 millions d’euros (ça laisse de la marge).
– Elargissement des exonérations de charges fiscales (impôts) pour les entreprises jusqu’à 250 salariés : pendant 5 ans, exonération d’impôt sur les bénéfices ; 5 années suivantes : 60% des bénéfices exonérés d’impôts ; 40% les 2 années suivantes ; 20% les deux années suivantes. Total : 14 ans. Plafond relevé : 100 000 euros par an. + 5000 euros par salarié résidant dans une ZUS embauché au moins six mois à temps plein.
– Exonération fiscale des actionnaires des entreprises en ZFU : 50% des bénéfices ne sont pas imposables.
– Exonération de fiscalité directe locale (fragilisation des communes ayant déjà peu de moyens).
– Exonérations de cotisations sociales (maladie et maternité) pour les artisans, commerçants et patrons d’entreprises individuelles en ZFU : totales les 5 premières années, puis dégressives.
– Libéralisation de sprocédures d’installation des grandes surfaces et des multiplexes, destructeurs de petits commerces.
– Exonération de la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat.
Les zones franches se développent en marge des lois communes. En plus d’exploiter les travailleurs, les actionnaires vont profiter d’abattements fiscaux sur leurs bénéfices. Quant aux petits commerces... des grandes surfaces sauvages et des multiplexes, destructeurs de liens sociaux, vont encore pourir l’environnement de quartier déjà fragiles.
6) abattements de cotisations et d’impôts... pour les patrons !
Voir aussi les abattements de cotisations et d’impôts dans le cadre du CPE, de l’apprentissage et des stages...
– Prime mensuelle pour les patrons embauchant en CDI des jeunes de 16 à 22 ans sans formation (à 25 ans en cas de CIVIS - contrat d’inertion dans la vie sociale - et les jeunes originaires de ZUS - zone urbaine sensible). Montant à fixer par décret. Durée de trois ans.
Si les jeunes travailleurs, sont priés de se serrer la ceinture et de supporter des périodes de plus en plus longue où ils seront « testés » en attendant de devenir des « vrais » salariés, les patrons, eux, sont gavés. Abattements de cotisations sociales, qui fragilisent la sécu, qui justifient la casse de la santé publique, des retraites, de la protection contre le chômage et la précarité... Abattements fiscaux, qui font reposer de plus en plus les impôts sur les seuls salariés, tandis que les patrons et les actionnaires accumulent les bénéfices : et le budget de l’Etat, toujours plus réduit, sert de plus en plus essentiellement à faire de nouveaux cadeaux aux patrons, et à punir les pauvres qui se révoltent.
7) Contrat de responsabilité parentale
– A la demande du président du conseil général.
– Par auto-saisine, sur saisine du maire, du chef d’établissement, du préfet ou du directeur de la CAF.
– Les parents ne peuvent refuser.
– Suppression des allocations familiales relative à l’enfant (absentéisme à l’école, etc.).
– Contravention.
– Mise sous tutelle des autres allocations.
– Saisie du procureur.
Pour lutter contre l’exclusion sociale, Villepin met des flics dans chaque foyer : les parents devront devenir correspondants du ministère de l’intérieur auprès de leurs propres enfants s’ils ne veulent pas voir leurs maigres ressources encore amputées. A la pauvreté, on répond par encore plus de pauvreté, à la précarité par la précarité, aux conséquences de la misère par la punition sociale.